Le point sur les allocations familiales et les aides financières


Le 26 juillet 2010, le Grand-Duché de Luxembourg votait une loi supprimant pour tous les allocations familiales à compter de 18 ans en leur substituant un système d’aides financières sous forme de prêt ou de bourse, pouvant aller jusqu’à 17.500 euros par année académique, réservées aux seuls résidents ou enfants de résidents.

Passé en force en pleines vacances d’été, sur fond de toile d’une crise économique déjà pourtant résorbée, le gouvernement luxembourgeois parvenait à faire voter cet édifiant texte de loi le 26 juillet 2010, en à peine plus d’un mois (projet de loi déposé le 11 juin 2010).

Dans le cadre des travaux préparatoires, le Conseil d’Etat rendait déjà un avis plus que mitigé concernant le projet de loi gouvernemental :

« Déférant aux désirs du gouvernement de voir la loi nouvelle appliquée à partir du 1er octobre 2010, le Conseil d’Etat n’entend pas retarder la procédure législative en soumettant le projet à l’examen exhaustif qu’il mériterait pourtant (cf. projet de loi n° 6148 appendice 1) ».

Les victimes directes de la loi du 26 juillet 2010, évidemment non désignées dans le texte de loi, sont l’ensemble des travailleurs frontaliers et leurs enfants poursuivant des études au-delà de 18 ans, puisque ceux-ci se voient privés depuis le 1er octobre 2010, non seulement des allocations familiales, mais encore et surtout, des nouvelles aides financières réservées aux seuls résidents, d’ailleurs bien plus conséquentes que les allocations familiales puisque pouvant atteindre jusqu’à 17.500 euros par an.

L’ensemble des frontaliers se retrouve clairement et directement discriminé par ces nouvelles mesures législatives alors qu’ils travaillent, acquittent leurs cotisations sociales et payent leurs impôts au Grand-Duché de Luxembourg au même titre que les résidents et ne sont pas logés à la même enseigne que ces derniers, en ce qui concerne les avantages dont eux-mêmes ou leurs enfants pourraient bénéficier.

La problématique se situe en plein cœur du droit communautaire qui parait avoir été violé sous plusieurs aspects par l’Etat luxembourgeois :

  • Si l’on considère que les aides financières de l’Etat pour études supérieures constituent une prestation familiale, il y aurait violation du Règlement n° 883/2004 du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 qui érige notamment en principe, qu’une personne a droit aux prestations familiales conformément à la législation de l’Etat membre compétent, y compris pour les membres de sa famille qui résident dans un autre état membre, comme si ceux-ci avaient résidé dans le premier état membre,
  • Si l’on considère que les aides financières de l’Etat pour études supérieures ne constituent pas une prestation familiale mais plutôt un avantage social, il y aurait violation du règlement n° 1612/68 du Parlement Européen et du Conseil qui dispose au paragraphe 1 et 2 de son article 7 :

« 1. Le travailleur ressortissant d’un Etat membre, ne peut, sur le territoire des autres états membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi, s’il est tombé au chômage,

2. Il bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux ».

A l’écoute des frontaliers depuis 1998, l’Association des Frontaliers Au Luxembourg (A.F.A.L.), ressentit très rapidement l’indignation de l’ensemble des travailleurs frontaliers injustement lésés par la loi luxembourgeoise discriminatoire du 26 juillet 2010 et décida aussitôt de réagir.

Elle se rapprocha de l’association de droit belge Solidarité Frontaliers Européens (S.F.E.), et signa avec elle les statuts portant création d’un Groupement Européen d’Intérêt Economique « Frontaliers Européens au Luxembourg » (G.E.I.E. F.E.L.) le 16 septembre 2010, qui était symboliquement, le jour de la manifestation publique organisée à l’initiative des partenaires sociaux au Luxembourg contre les discriminations émanant de la loi luxembourgeoise du 26 juillet 2010.

L’objet de la création de ce G.E.I.E. est notamment de permettre à deux associations de droit français A.F.A.L. et de droit belge S.F.E., de s’unir, de représenter l’ensemble des frontaliers au Luxembourg, et de déposer une plainte devant la Commission Européenne sur base des discriminations dont sont victimes les travailleurs frontaliers.

Le 23 septembre 2010, le Groupement Européen d’Intérêt Economique « Frontaliers Européens au Luxembourg » déposa cette plainte en demandant à la Commission de se pencher sur le problème et d’interroger le Grand-Duché de Luxembourg sur la législation en cause afin si possible, de favoriser un règlement rapide du litige.

La Commission Européenne accusa réception de la plainte du G.E.I.E. le 30 septembre 2010 et dès le 22 octobre 2010, le Commissaire Européen en charge des affaires sociales Làszlo Andor laissait entendre :

« La Commission est d’avis que l’introduction d’une condition de résidence pour l’accès aux aides financières pour des études supérieures, semble contraire aux règles communautaires applicables en matière de libre circulation de travailleurs, dans le sens où celle-ci aurait comme résultat d’exclure comme bénéficiaires, les enfants de travailleurs frontaliers ».

En date du 22 octobre 2010 également, la première décision de refus de l’Etat luxembourgeois parvient à un travailleur frontalier qui avait sollicité pour son enfant le bénéfice des aides financières de l’Etat pour études supérieures.

Le CEDIES, organisme chargé de la gestion des dossiers d’aides financières pour compte du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche luxembourgeois, répondit de façon laconique à ce travailleur frontalier :

« Etant donné que vous ne séjournez pas au Grand Duché de Luxembourg, conformément à l’article précité, il n’est pas possible au service des aides financières du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche luxembourgeois, de donner une suite favorable à votre demande et de vous accorder l’aide financière de l’état pour études supérieures ».

De multiples autres décisions suivirent toutes identiques.

Les membres du G.E.I.E. F.E.L. « Frontaliers Européens au Luxembourg » se réunirent et décidèrent d’épauler les frontaliers dans le cadre des recours judiciaires devant être intentés devant le Tribunal Administratif de Luxembourg contre ces décisions endéans les 3 mois de leur réception.

Ainsi, le premier recours au niveau national fut déposé pour compte de ce travailleur frontalier, première victime de la loi du 26 juillet 2010, en date du 20 janvier 2011 auprès de la juridiction administrative luxembourgeoise.

Ce recours met principalement l’accent sur les contradictions de la décision du CEDIES et de la loi du 26 juillet 2010 par rapport au droit communautaire, mais également sur les contradictions de cette décision avec le droit constitutionnel luxembourgeois.

A travers ce recours national individuel, il est demandé au Tribunal Administratif de Luxembourg de poser à la Cour de Justice de l’Union Européenne une question préjudicielle quant au fait de savoir si les règlements communautaires susvisés, ont été violés ou non.

Ainsi, tant la plainte déposée par le G.E.I.E. « Frontaliers Européens au Luxembourg », que les différents recours individuels intentés au niveau national au Luxembourg, devraient en principe tous se rejoindre devant le juge communautaire qui devrait alors se prononcer sur la question.

A l’heure actuelle, 61 recours de travailleurs frontaliers lésés, épaulés par les associations A.F.A.L. et S.F.E., ont été déposés auprès du Tribunal Administratif de Luxembourg.

Dès le 1er décembre 2010, les services de la Commission Européenne en charge de ce dossier, prirent position dans un courrier qui permet au G.E.I.E. « Frontaliers Européens au Luxembourg » de demeurer confiant :

« En ce qui concerne l’aide financière pour études supérieures, mes services considèrent qu’il s’agit d’un avantage social, aux termes de l’article 7, alinéa 2 du Règlement 1612/68, tel que confirmé par une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Lorsque le travailleur continue à pourvoir à l’entretien de l’enfant, l’enfant peut se prévaloir de cette disposition du droit communautaire pour obtenir un financement d’études, dans les mêmes conditions que celles appliquées aux enfants des travailleurs nationaux, sans qu’une condition supplémentaire relative à se résidence puisse lui être imposée ».

En date du 12 avril 2011, la Commission Européenne informe par écrit le G.E.I.E. « Frontaliers Européens au Luxembourg », qu’elle a « décidé, en date du 6 avril 2011, d’envoyer une lettre de mise en demeure aux autorités luxembourgeoises, ouvrant ainsi une procédure d’infraction contre cet état membre ».

L’A.F.A.L. est donc optimiste quant à l’issue des plaintes déposées, même si évidemment, il ne faut pas d’ores et déjà crier victoire.

De plus, un arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du 5 mai 2011, dans le cadre d’une affaire « Commission Allemagne », abonde dans le sens des arguments avancés par les frontaliers : la Commission reprochait en l’espèce à l’Allemagne de subordonner l’octroi par les Länder de prestations sociales aux aveugles, aux sourds et aux handicapés, visant à compenser les surcoûts liés à leur handicap, à la condition que ces personnes aient leur résidence ou leur lieu de séjour habituel sur le territoire allemand : la Cour de Justice de l’Union Européenne, estimant qu’il s’agissait en l’espèce d’un avantage social au titre du règlement n° 1612/68, a considéré que le fait de subordonner l’octroi des prestations en cause à une condition de résidence était contraire au Droit européen que l’Allemagne avait donc violé et a obligé le pays en question à modifier sa législation.

Ceci est donc de bon augure, même si les prestations visées ne sont pas strictement les mêmes que celles qui nous intéressent.

Le 10 novembre 2011, l’AFAL a assisté aux débats de l’affaire Commission / Pays-Bas devant la Cour de Justice de l’Union européenne, semblable sur beaucoup de points à l’affaire des aides financières luxembourgeoises.

Beaucoup attendent le verdict de cette affaire qui n’est pas encore prêt d’arriver puisque les conclusions de l’Avocat Général dans cette affaire ne seront rendues que le 16 février 2012.

Le 12 décembre 2011, les premiers recours des frontaliers concernant les refus d’aides financières du Luxembourg pour études supérieures motivés par une question de résidence ont été plaidés devant le Tribunal Administratif de et à Luxembourg.

Le 11 janvier 2012, en séance publique, le tribunal administratif de Luxembourg a décidé de poser à la Cour de Justice de l’Union Européenne la question préjudicielle suivante :

« Compte tenu du principe communautaire de l’égalité de traitement énoncé par l’article 7 du règlement n°1612/68, est-ce que les considérations de politique d’éducation et de politique budgétaire mises en avant par l’Etat luxembourgeois, à savoir chercher à encourager… l’augmentation de la proportion des personnes titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, actuellement insuffisante en comparaison internationale en ce qui concerne la population résidente du Luxembourg, considérations qui seraient gravement menacées si l’Etat luxembourgeois devait verser l’aide financière pour études supérieures à tout étudiant, sans lien aucun avec la société du Grand-Duché, pour effectuer ses études supérieures dans n’importe quel pays du monde, ce qui entraînerait une charge déraisonnable pour le budget de l’Etat luxembourgeois, constituent-elles des considérations au sens de la jurisprudence communautaire ci-avant citée susceptibles de justifier la différence de traitement résultant de l’obligation de résidence imposée tant aux ressortissants luxembourgeois qu’aux ressortissants d’autres Etats membres en vue d’obtenir une aide pour études supérieures ? »

L’AFAL se félicite du résultat obtenu qui est le fruit d’un combat acharné mais qui n’est cependant pas terminé.

Maitre Wauthoz et Maître Peuvrel, les avocats du G.E.I.E. ont déposé leurs observations le 19 avril 2012 au greffe de la Cour de Justice de l’Union Européenne dans le cadre de la question préjudicielle posée par le juge luxembourgeois dans sa décision du 11 janvier 2012.

Ils y constatent que le Tribunal Administratif de Luxembourg a d’ores et déjà reconnu l’existence d’une « discrimination indirecte » sur base de la nationalité  puisque le juge  demande seulement si cette discrimination est « justifiable ».

  • Ils demandent à la Cour de dire que les nouvelles « aides financières » aux études demeurent des « prestations familiales » (et non de simples bourses d’étude), auquel cas aucune justification politique  de cette discrimination n’est même possible.
  • Ils ont également consulté le dossier où ils ont trouvé des observations écrites de la Suède, signe que le dossier transcende les frontières et suscite l’intérêt.

Grâce à la question préjudicielle posée, l’affaire des aides financières va progresser plus rapidement.

Même si grâce à la question préjudicielle posée, l’affaire des aides financières va progresser plus rapidement, l’A.F.A.L. entend cependant insister sur le fait que tant la plainte déposée par le G.E.I.E. « Frontaliers Européens au Luxembourg » devant la Commission Européenne, que les différents recours au niveau national, risquent de durer avant d’aboutir.

L’attention de tous les travailleurs frontaliers est attirée sur le fait qu’une éventuelle condamnation de l’Etat luxembourgeois à revoir sa législation concernant les aides financières, ne serait en aucun cas rétroactive et que seuls les frontaliers qui auront introduit des recours individuels au niveau national contre les décisions de refus du CEDIES, c’est-à-dire ceux qui préalablement auront demandé au CEDIES un dossier d’aides financières et l’auront déposé dans les délais, pourront faire valoir leurs droits pour le passé.

La Commission Européenne insiste dans son courrier du 12 avril 2011 adressé au G.E.I.E. « Frontaliers Européens au Luxembourg » : « enfin, il est également dans l’intérêt de vos clients d’utiliser les voies de recours disponibles au niveau national, si vous estimez que leurs droits n’ont pas été respectés. Ces voies de recours permettent en général de faire valoir leurs droits de manière plus directe et plus personnelle. Si vos clients ont subi un préjudice, par exemple, ils ne pourront obtenir une indemnisation qu’en s’adressant aux tribunaux nationaux. De plus, les voies de recours nationales devant être exercées dans un délai déterminé, vos clients risquent, s’ils n’agissent pas rapidement, de perdre leurs droits ».

L’A.F.A.L. se doit donc de recommander vivement à tous ses membres, à l’ensemble des travailleurs frontaliers, de déposer chaque année en novembre une demande d’aides financières pour leurs enfants en cours d’études supérieures.

Le CEDIES a finalement confirmé que les personnes qui avaient déjà obtenu une décision de refus pour le premier semestre d’une année d’études étaient dispensées d’introduire une demande pour le second semestre de la même année.

En effet, les décisions de refus du premier semestre indiquent à présent que le refus concerne toute l’année académique en cours.

Un dossier déposé par année académique, une décision de refus obtenue et un recours déposé suffiront à présent aux frontaliers pour faire valoir leurs droits.

TOUTE PERSONNE QUI N’AURA PAS RESPECTE CE PROCESSUS, SE VERRA DEFINITIVEMENT PRIVEE DE TOUS SES DROITS AUX AIDES FINANCIERES POUR LE PASSE JUSQU’A CE QUE LE LUXEMBOURG AIT CHANGE ET MODIFIE SA LEGISLATION, CE QUI RISQUE DE DURER.

L’A.F.A.L. et la S.F.E. assistent leurs membres dans le cadre de ces démarches, y compris au niveau judiciaire concernant le recours national devant être intenté devant le Tribunal Administratif de Luxembourg contre les décisions du CEDIES.

Aucun honoraire d’avocat n’est demandé pour intenter la procédure, ce service est bénévole ; néanmoins, chaque dossier faisant l’objet d’un recours individuel et afin de couvrir les frais administratifs, une somme forfaitaire de 350 euros est demandée par recours, somme réduite à 250 euros pour les membres de l’A.F.A.L. et de S.F.E. ASBL.

Bien que chaque recours soit individuel, afin d’aider les familles dont plusieurs enfants sont touchés par la loi du 26 juillet 2010, la participation forfaitaire aux frais est réduite :

  • pour 2 enfants concernés : à 400 euros pour les membres l’A.F.A.L. et S.F.E. (600 euros pour les non membres),
  • pour 3 enfants concernés : à 500 euros pour les membres l’A.F.A.L. et S.F.E. (850 euros pour les non membres).
Ces tarifs ne sont valables que pour les recours  introduits contre des décisions de refus du CEDIES pour cause de non-résidence au Luxembourg.

Actualité Récente

  • Le 14 juin 2012, la Cour de Justice de l’Union Européenne a condamné les Pays-Bas dans un dossier similaire au dossier des aides financières luxembourgeoises (Affaire C-542/09).

La Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1) En imposant une condition de résidence, à savoir la règle dite «des 3 ans sur 6», aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille à l’entretien desquels ils continuent de pourvoir afin de leur permettre d’obtenir le financement des études supérieures poursuivies en dehors des Pays-Bas, le Royaume des Pays-Bas a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 45 TFUE et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE)
no 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté, tel que modifié par le règlement (CEE) no 2434/92 du Conseil, du 27 juillet 1992.
2) Le Royaume des Pays-Bas est condamné aux dépens

  • Le 20 juin 2013, La Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu son verdict et a répondu à la question préjudicielle posée par le  juge luxembourgeois.

En vertu de cet arrêt de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE)du 20 juin 2013 (Affaire C-20/12), GIERSCH – STEMPER – TAMINIAUX – HODIN / ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, la clause de résidence instaurée par la loi du 26 juillet 2010 pour l’octroi des aides financières à un étudiant a été considérée par la Haute Juridiction comme constitutive d’une discrimination indirecte entre les personnes qui résident au Grand-Duché de Luxembourg et celles qui, sans résider au Grand-duché de Luxembourg, sont des enfants de travailleurs frontaliers exerçant une activité au Grand-Duché de Luxembourg.

La CJUE a encore jugé et dit pour droit que « si l’objectif visant à augmenter la proportion des résidents titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur afin de promouvoir le développement de l’économie du même Etat membre constitue un objectif légitime susceptible de justifier une telle différence de traitement et si une condition de résidence, telle que celle prévue par la législation nationale en cause au principal, est propre à garantir la réalisation dudit objectif, une telle condition excède toutefois ce qui est nécessaire aux fins d’atteindre l’objectif qu’elle poursuit, dans la mesure où elle fait obstacle à la prise en compte d’autres éléments potentiellement représentatifs du degré réel de rattachement du demandeur de ladite aide financière à la société ou au marché du travail de l’Etat membre concerné, tels que le fait que l’un des parents, qui continue de pourvoir à l’entretien de l’étudiant, est un travailleur frontalier, qui occupe un emploi durable dans cet Etat membre et a déjà travaillé dans ce dernier depuis une durée significative ».

Concernant la « durée significative » dont question ci-dessus, la CJUE ouvre des portes et dispose dans le point 80 de sa décision:

« Surtout afin d’éviter le risque de voir apparaître un « tourisme des bourses d’études », invoqué par l’ensemble des gouvernements ayant présenté des observations devant la Cour, et de s’assurer que le travailleur frontalier contribuable et cotisant au Luxembourg présente des liens suffisants avec la société luxembourgeoise, il pourrait être envisagé de subordonner l’octroi de l’aide financière à la condition que le travailleur frontalier, parent de l’étudiant ne résidant pas au Luxembourg, ait travaillé dans cet Etat membre pendant une période minimale déterminée. Dans un autre contexte, l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 prévoit que, par dérogation à l’article 24, paragraphe 1, de cette directive, selon lequel tout citoyen de l’Union séjournant sur le territoire d’un Etat membre en vertu de ladite directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet Etat membre, ce dernier n’est pas tenu d’octroyer une aide d’entretien aux études avant l’acquisition d’un droit de séjour permanent, laquelle, conformément à l’article 16, paragraphe 1, de la même directive, est subordonnée à une condition de résidence de cinq ans sur le territoire de l’Etat membre concerné ».

Cet arrêt fondamental consacre et conforte le statut du travailleur frontalier et de sa famille auxquels la plus haute juridiction européenne reconnaît officiellement les mêmes droits et les mêmes avantages que ceux du travailleur résident et de sa famille.

Le combat mené par l’AFAL depuis 2010 en faveur des frontaliers a porté ses fruits.

A noter que dès le 19 juillet 2013, le Luxembourg votait, une nouvelle fois à la hâte, une nouvelle loi sur les aides financières subordonnant l’octroi des aides financières à l’exigence d’une durée ininterrompue de cinq ans de travail au Luxembourg dans le chef du parent frontalier dont l’enfant réclame une aide financière.

Les aides financières seront allouées, déduction faite d’aides éventuelles perçues par l’étudiant dans son pays de résidence.

Ce faisant, le Luxembourg s’emparait de l’idée soufflée par le juge communautaire (voir ci-dessus).

Rien ne dit à ce jour que cette durée de cinq années, qui paraît bien excessive, sera validée par le juge communautaire.

L’affaire paraîtra à nouveau devant le tribunal administratif de Luxembourg le 7 octobre 2013, qui devra alors statuer sur le fond pour certainement annuler les décisions de refus du CEDIES.

Pour les affaires dans le cadre desquelles le parent de l’étudiant travaillait depuis moins de cinq années au Grand-Duché de Luxembourg au jour de l’introduction de la demande, les plaidoiries sont fixées au 18 novembre 2013 devant le tribunal administratif.

A partir de l’année académique 2013-2014 :

Tous les frontaliers travaillant depuis plus de cinq ans au Luxembourg ayant donc droit aux aides financières pour leur enfant étudiant, sont donc invités à renvoyer leur dossier complété au CEDIES pour le 30 novembre 2013 au plus tard concernant le semestre d’hiver.

Le dossier d’aides financières est désormais disponible au téléchargement sur le site du CEDIES.

Le CEDIES peut encore être contacté :

  • à l’accueil 209, route d’Esch L-1471 Luxembourg
  • par mail : cedies@mesr.etat.lu
  • par fax : (00352) 45 56 56
  • par courrier au nom de l’enfant étudiant.

Les enfants de frontaliers qui essuieront un refus du fait que leur parent travaille depuis moins de cinq années au Luxembourg sont invités à contacter leur association respective, belge ou française.